Pour l’amour du vin
Christian Zuria, 51 ans, travaille avec son épouse, Nadine, qui est responsable de la vinification en cave, mais aussi Camille et Yvan, deux de ses quatre enfants. « Nous avons commencé par la plantation d’un demi-hectare » se souvient Nadine. Les sols étaient vierges. Ils ont une histoire : les arrières-arrières-grands-parents de Christian vivaient sur cette étendue, recouverte alors d’un maquis touffu. Lucie réparait les chaussures et Jean-Baptiste cultivait une partie de ces terres. Ils se rendaient au marché de Bonifacio à dos de mulet pour vendre les légumes et livrer les souliers. Christian, lui, a construit son projet agricole autour du vin sur une partie des terres familiales et d’autres qu’il occupe après avoir conclu des baux emphytéotiques. Il relance ce terroir oublié. Si Bonifacio comptait en 1850 450 hectares de vignes, ce n’était plus le cas en 1960. C’est d’abord le phylloxéra qui a décimé le vignoble, qui connaîtra d’autres vicissitudes avec la guerre de 14-18. Pour Christian Zuria, en 2009, il s’agit donc de relancer le projet viticole. La tâche est considérable. Il va y consacre son temps, son énergie. En un mot sa vie. Il commence par planter 3 hectares de vignes sur un sol de pierre. Alentour tout n’est que maquis. N’importe. Il transforme le maquis en vignoble, amasse des pierres blanches pour restaurer les murs qui encerclent les jeunes vignes. La première année, il lui arrivera d’arroser, à la main les 28 000 pieds d’une parcelle. Christian a la « fibre agricole ». C’est « la base », comme il dit. Il se laisse guider par la terre, innove, cherche, ose, élabore une réflexion sur la manière de travailler ou plutôt de ne pas travailler le sol pour le laisser vivant. A Bonifacio, l’ennuyeux, c’est le vent : il souffle 200 jours par an. Et si le sel brûle les pousses, le vent « casse les pieds ». Cependant le vent sèche et protège de certaines maladies. Et puis, il y a ce sol calcaire, si singulier. L’année 2019 marque un tournant : Christian et Nadine inaugurent une cave de 1 200 m2 avec une vinification par gravité à quatre mètres sous terre. Elle complète leur cave naturelle, dans une grotte, à Bonifacio, où les viticulteurs laissent vieillir leurs crus de rouge. Zuria ne produit que des cuvées parcellaires, 7 micro-cuvées : la première provient d’un sol granitique, les 6 autres du sol calcaire emblématique de la région. Tout se joue avec les cépages, la vinification et l’élevage. Ce terroir, donne des vins, vifs, gourmands, et d’une grande délicatesse. Le domaine Zuria offre minéralité, fruit acidulé et salinité. Christian travaille exclusivement des cépages endémiques. (100 % de sciaccarellu, cépage-roi dans le sud, pour les vins rouges). Élaborés avec des raisins issus de l’agriculture biologique les vins du domaine Zuria répondent aux critères de la biodynamie. Christian Zuria appartient à l’une des dernières familles qui parlent le bonifacien. Quand il emprunte, au volant de son 4X4, les chemins ouverts par ses aïeuls, il poursuit l’histoire de ces hommes et de ces femmes dont le destin se confond avec cette terre. Et cette filiation donne un sens à sa vie.
Par Constant Sbraggia | Photos Marianne Tessier
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