Dans ce champ où le fenouil sauvage a pris le pouvoir Francesca Desideri se dispute le silence avec les abeilles. C’est sûr, elle n’a pas manqué d’amour, celle qui allait de genoux en genoux, de son père à sa mère, en passant par ses cinq frères et ses cinq sœurs et qu’on appelle toujours « a ghjuca ». Francesca n’a jamais quitté Querciolo, son village natal, et elle n’a pas besoin de sentir l’odeur de l’immortelle, dont on dit qu’elle fait remonter dans le temps et qu’elle guérit aussi bien les bleus du corps que ceux de l’âme, pour se souvenir qu’« avant » il n’ y avait pas de clôtures dans les champs, parce ce que le berger était toujours derrière le troupeau pour protéger les cultures, surtout en plaine. Elle se souvient qu’ « avant », les gens du village descendaient en bord de mer et que c’était la tradition d’y passer l’été et de dormir dans des cabanes faites de fougères. Elle se souvient que les journées étaient occupées par le bonheur simple de faire des choses ensemble et de ne rien faire aussi. Pas de nostalgie dans sa voix quand elle raconte que le nombril de Vénus a vingt noms différents en Corse, parce qu’elle sait que les trésors qu’elle a reçus, tous ces savoirs transmis patiemment, de générations en générations vivent en elle. « Chaque plante naît dans sa propre langue » lui disait son père berger. Ce que Francesca a appris, en le suivant , pendant les transhumances ou en encombrant sa mère dans la cuisine, « Sors-moi de là ! tu ne sais rien faire ! », est un cadeau qu’elle aime partager. Aujourd’hui, elle se réjouit que tant de jeunes s’intéressent aux plantes à travers son émerveillement pour le monde silencieux des plantes, celles qui soignent le corps et l’âme, celles délicieuses qu’ont cuisine en soupe, en beignets où en salades, car Francesca est aussi une cuisinière exceptionnelle, jamais avare de donner ces recettes, avec moult détails et explications. La curiosité de Francesca est sans limite. Elle sait tout faire. « D’autres savent le faire, il n’y a pas de raison que je ne puisse le faire aussi. » Et c’est comme ça qu’elle a tout appris. « Quand tu aimes, tu fais. Tu vas rater une fois, deux fois, quelquefois plus et puis, tu vas y arriver. C’est en faisant les choses que l’on s’améliore. Après, il faut y mettre de l’amour, de la passion. Je suis là pour transmettre, à n’importe qui... » La transmission du savoir est faite d’écoute et de don. Depuis des années, elle multiplie ces partages précieux, lors de journées magiques où l’on peut apprendre à reconnaitre les plantes dans le maquis à et les utiliser avec tout le respect nécessaire.
Par Emma Constance Paoli | Photos Rita Scaglia
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