roposer une loi sur la « fin de vie » 6 à l’heure où les soignants s’épuisent à sauver les malades gravement atteints par la covid19 a en effet quelque chose d’ « obscène » (Marie de Hennezel), ou au moins d’inconvenant. Si « nous mourrons mal en France » comme l’affirment d’entrée les rédacteurs du projet, à qui la faute ? Sûrement pas au seul fait qu’on n’a pas encore légalisé l’euthanasie ! C’est un procès de civilisation qu’il faudrait engager, et devraient alors comparaître tous les acteurs de cette tragédie : déni de la finitude humaine et de la mort, éclatement de la famille, détresse des vieillards abandonnés dans des mouroirs, marchandisation des corps et des esprits, etc. Progrès de la médecine enfin qui, prolongeant l’existence, réveille le vieux rêve d’immortalité qui habite l’être humain mais fait aussi de la fin de vie une impasse thérapeutique qui paraît justifier l’euthanasie : non plus la « bonne mort » ( euthanasia) souhaitée par les Anciens épris de paix intérieure, mais une « aide active à mourir » encadrée par la loi et qui n’a dès lors plus rien de la libre mort privilégiée par le sage : « Si je me sais condamné à pâtir sans relâche, j’opérerai ma sortie, non en raison de la souffrance même, mais parce que j’aurai en elle un obstacle à tout ce qui est raison de vivre. Faible et lâche, qui a pour raison de mourir la souffrance7 ; insensé, qui vit pour souffrir. »
Par Françoise Bonardel Illustrations Botero, La mort de Pablo Escobar ; Jacques-Louis David, La mort de Socrate.
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