La psyché de l’exil
I ci et là, on découvre mi-surpris, mi-amusé, une chaussure, un marteau, des câbles d’antennes, des anciennes machines à écrire, des cassettes VHS et une pléthore d’archives personnelles ou issues de l’histoire collective occidentale. Mounir Fatmi, artiste plasticien et vidéaste marocain, explore à travers ses œuvres les limites de la mémoire, du langage et de la communication. Il travaille sur la notion d’une archéologie expérimentale en examinant le rôle de l’artiste au sein d’une société contemporaine en crise. Il joue avec les codes et les mythes de cette dernière sous le prisme de ce qu’il nomme « sa trinité » : Langage - Architecture et Machine. Il interroge les limites de la mémoire, du langage et de la communication et sonde ainsi le principe de transfert de connaissances et de cultures. Influencé par le concept des médias morts et l’effondrement de la civilisation industrielle, il développe une réflexion sur le statut de l’œuvre d’art entre archive et archéologie du présent. Et c’est précisément au sein de sa pratique vidéo que Mounir Fatmi parvient le mieux à concevoir une mise en abyme de ses recherches, elle en devient presque un parangon. D’œuvre en œuvre, mémoire personnelle et histoire collective se confondent rendant la démarche de l’artiste si accessible à tous. « Yesterday Was a Terrible Day », est la première monographie consacrée à la pratique vidéo de Mounir Fatmi. À travers le prisme de l’exil, cette exposition propose de découvrir ou redécouvrir la démarche de l’artiste tout en faisant écho à l’histoire de la Corse. On découvre un récit d’exilé, de Mohammed V, aux jeunes issus de l’immigration dans les banlieues du monde occidental, en passant par Mehdi Ben Barka et Salman Rushdie alias Joseph Anton. Dans ce plongeon au creux de la psyché de l’exilé, chaque vidéo présentée apparait comme des bribes de souvenirs. Des souvenirs de quoi? de qui? De cet instant où tout bascule ; lorsque l’on est déraciné ; lorsque l’on porte le poids de cette terrible étiquette d’être l’Autre : l’exilé ; lorsque « hier » prend un goût amer. Exposition Yesterday Was a Terrible Day, Casa Conti – Ange Leccia à Oletta, jusqu’au 2 juillet.
Par Madeleine Filippi - Illustrations: Lea Eouzan-Pieri
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