Éloge de la laïcité en tant que sport de combat.

Le p’tit Père Lacombe, qui ne s’est jamais qualifié de « Père des Peuples », avait tout compris. En lisant, j’imagine, l’imprécation voltairienne visant à « écraser l’infâme », il avait déclaré la guerre à l’Église catholique, alors puissamment réactionnaire. Les processions et les miracles, les congrégations, les couvents, les sociétés religieuses « papistes, intégristes, fanatiques, monarchistes, etc. » furent alors considérés comme des adversaires absolus de la République. Ce n’était pas totalement faux. A travers la suave odeur de l’encens, derrière les gonfalons du cœur sanguinolent de Jésus et, sur Montmartre, la blanche basilique, c’était la Révolution française qui était attaquée. On mit des gendarmes mobiles autour des cathédrales, et notre Sainte-Mère l’Église se plia à la nécessité de la prière intérieure. Personne ne l’en avait jamais empêchée. Mais à vouloir se substituer à l’État, elle pesait lourdement de son ombre noire sur les esprits, subtilement sur les corps et fâcheusement sur les lois. 1905, dernier arrêt avant le terminus de la confrontation… « Nous ne faisons pas une œuvre de brutalité » affirma Jean Jaurès à la tribune de l’Assemblée, évoquant parmi de nombreuses références littéraires et historiques la grande stature de… Rabelais. C’est en effet le premier exemple, le plus réjouissant, que l’on peut proposer à un pays comme le nôtre. L’Abbaye de Thélème est un bon logis français. Nietzsche avait écrit quelques années auparavant, en 1888 : « Ce qui serait vraiment digne de Dieu, ce serait de prendre sur soi non la punition, mais la faute ». Nous allons donc, dans la bonne humeur, interdire le salafisme, école de la mort, et tous les intégrismes juifs, catholiques, hitlériens ou staliniens qui nous empêchent de cultiver les libres fleurs de notre pensée ou les divagations fugaces de l’érotisme. Mais poussons un peu un plus loin : l’acceptation de la bêtise collective que l’on peut qualifier, grâce au même Rabelais, de panurgisme, est pire qu’une faute de goût. C’est une insulte aux bienfaits de l’intelligence individuelle qui est toujours une forme de résistance. Il nous faut aujourd’hui exalter la beauté de la solitude absolue de l’esprit et mettre la raison hors d’atteinte. Elle est tellement fragile !

Par François Léotard Illustration Andy Warhol Polaroids