« Les acteurs de l’art basculent dans la tentation de la démesure technologique. »
Nous sommes dans une salle des ventes. Collectionneurs, curieux, passionnés d’art sont tous là, impatients de découvrir l’œuvre d’un maître ou d’un contemporain qui va bientôt s’offrir au marteau du commissaire-priseur. Le côté spectacle attire toujours. Beaucoup se délectent de voir le commissaire-priseur faire le show. Et même souvent une part du public d’ailleurs ne vient que pour ça et n’achète jamais rien. Mais c’est charnel une vente d’œuvres d’art, c’est un « objet » chargé d’histoire qui s’expose et se laisse prendre. Puis nous passons dans une galerie, où le solo show d’un artiste est présenté, on déambule dans un espace scénographié pour l’occasion, les regards sont partout cherchant le détail qui émeut, la technique qui fascine, le plaisir juste parfois de posséder par le regard porté. Nous sommes à présent le 11 mars 2021, la maison de vente Christie’s est la première à proposer aux enchères un fichier crypté sans aucune matérialisation physique. « L’œuvre » en question est signée de Mike Winkelmann (alias Beeple) s’intitulant Everyday. Œuvre pixélisée composée de 5 000 images créées chaque jour depuis le 1er mai 2007. Le chamboulement est total. Des mots nouveaux et autres acronymes barbares s’échangent, on ne parle pas d’art, on parle NFT, on discute Blockchain et on s’affole d’une somme jamais atteinte : 69,3 millions de dollar pour une œuvre cryptée sur un fichier numérique.
Par Valérie Giovanni | Illustrations Beeple
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