La renfermée, la Corse.
Pour commencer, ces trois extraits de ce livre époustouflant de beauté, de vérité, et donc de grande émotion que constitue « La renfermée, la Corse » (Le Seuil, photographies de Chris Marker). Premier extrait : « Il y a là-bas des matins qui sont comme le premier matin du monde. Les contours des montagnes bleues de la Sposata se détachent sur le bleu du ciel avec une telle précision, une si grande légèreté que le temps semble arrêté là, dans cette lumière touchée par la grâce. Nulle part au monde on ne la trouve, je le sais maintenant, elle est à la fois intense et transparente, irréelle. Le silence alentour, je le connais aussi, on l’entend dans toutes les solitudes, et c’est sur lui que se referme tout amour. Ce paysage aura toujours pour moi la force de la première image que j’ai regardée lorsque j’étais enfant, et comme la première page qu’il m’a été donné de lire. Si le sens profond de ces lignes demeure à déchiffrer, déjà se révélait à moi une présence non soupçonnée encore, déjà me bouleversait la grandeur de cette aventure toute simple qu’est le jour qui commence. » Deuxième extrait : « L’harmonie, on la trouve partout en Corse. Ce n’est pourtant pas l’apaisement qu’elle apporte mais plutôt une sombre inquiétude, la peur de ne pouvoir satisfaire aux exigences de cette terre orgueilleuse qui voudrait transformer toute histoire en destin. » Troisième extrait : « Dès que l’avion s’approche de la Corse et que brutalement elle est là, âpre, sinistre, ma gorge se serre, j’ai envie de fuir sur-le-champ, avant même d’avoir posé le pied sur son sol. Dans le temps de ce seul regard, elle émerge comme le dernier reste de l’immense chaos qui déchira la nuit du monde. » Voilà. Tout est là, ou presque. Tout est dit, ou presque. Tout ? Oui, tout. Tout ce qu’aucun autre livre sur la Corse ne contient. Tout ce qu’aucun autre livre sur la Corse n’ose même effleurer. C’est le rapport vrai à l’île, à la peur de l’enfermement.
Par Constant Sbraggia – Photos D.R.
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